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Cardon,
un moraliste

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Préface
de Jean Robert
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(Extraits)

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    […] On peut avoir, vis-à-vis de ses dessins, une lecture politique, y trouver une critique sociale, une illustration de l’exploitation de l’homme par l’homme, de l’absurdité de la guerre, et une dénonciation de la destruction de la nature ; cette lecture est toutefois réductrice, car l’accusation de Cardon contre notre société est ontologique et touche à sa nature même. Lui qui se souvient de la dure vie de son père s’est toujours passionné pour les questions politiques ; il a participé avec enthousiasme à la fièvre caricaturale que causa la presque révolution de Mai 68 ; cependant, depuis qu’il collabore au Canard Enchaîné et côtoie le monde politique, il a perdu ses illusions sur les politiciens et ne croit plus qu’une révolution sociale pourrait changer profondément la nature de notre société. Il inquiète, questionne, tourmente en nous montrant le visage inquiétant de cette société ; comme beaucoup d’artistes avant lui, il pressent des catastrophes, alors que les historiens, les hommes politiques et les prévisionnistes professionnels restent aveugles. Il nous montre les risques mortels que nous courons ; ses personnages ne sont pas des monstres, mais de braves gens écrasés par une société qui les dépasse ; il ne leur donne pas la parole, ils l’ont perdue, il nous fait voir leur fatigue, leur désespoir et leur impuissance. Tel est l’univers inquiétant que dessine Cardon, à la fois proche et éloigné de notre monde.
     Cardon voit l’essentiel comme l’aveugle Tirésias, devenu clairvoyant parce que détaché des sensations immédiates. Ses dessins, en nous dévoilant l’envers des choses, ont une portée philosophique ; chargés de symboles, ils ont toujours un sens, sans être pour autant l’illustration d’une thèse, et, sans paroles, ils nous racontent une histoire. Chacun est une oeuvre constituée d’une idée et de traits sur le papier ; Cardon concentre les forces du dessin vers un but donné, l’idée qu’il veut faire partager, ne se laissant pas détourner par l’accessoire, et il rend avec une grande économie de moyens ce qu’il veut représenter : le tracé est clair, la manière de poser un sujet est simple et architecturale, l’anecdote est absente, le style, intense et concis, va droit au but, l’idée se dégage d’emblée. On regarde et on a compris. Les dessins ne sont d’ailleurs pas légendés : les légendes ne serviraient à rien, si ce n’est à paraphraser sa plume et à affadir son message. La qualité, la précision du trait, l’étrangeté qui se dégage de ces dessins donne à ceux-ci une grande beauté.
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     Ses oeuvres, malgré le pessimisme qui s’en dégage, ne sont pas tristes ; l’humour y reste toujours présent, certes éloigné du divertissement, proche au contraire de l’humour noir des surréalistes, défini par André Breton, et il nous empêche de basculer dans la négation totale — notre liberté est un leurre, nous pouvons tout de même rire de l’absurdité de notre vie… — ; elle n’est pas désespérée non plus, tant elle est lourde d’une révolte messianique : les êtres accablés qu’il nous décrit sont au bord de la révolte, on sent que tout pourrait basculer et que ces hommes, qui vivent chacun dans leur casier, sont sur le point de briser les murs qui les séparent, pour se retrouver.
     [...]
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